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Elle t a niqué ta concubine. Dix sept fois
Martèle la mémoire. 3 heures, 4 heures, 5 heures la nuit. Dans le silence de mes draps.
Et puis parfois à midi aussi.
Pique la veine. Pique. Il reste une pièce de peau, là, ne vois-tu pas ?
Morphine, ta belle chérie. Elles t'usent au sang tes petites chéries :.Cocaine, Héroine, Methadone, Morphine. La voilà ta nouvelle concubine. Morphine. Tu cries, tu supplies : « ne rentre pas, je ne veux pas que tu me vois comme ça ». Je fonce, petite crétine suffisante. La morale, je la connais moi. Les bons mots je les maîtrise, moi. Toujours été douée pour les grands discours dégoulinants de bons sentiments, j'ai l'écoute rassurante. La haine elle coule sur moi, elle se liquéfie.
« Qu'est ce qu'elle fait cette autre pute chez toi, celle qui bouge son cul pour les mecs comme toi ? Elle prend combien ? C'est ta femme ? Ok. Elle te suce gratos au moins ? »
Ils défilent chez toi tes amis. Ils restent jamais bien longtemps, pourquoi ? Explique-moi, je décode pas. Moi je savais pas que les cochons ça bouffe les macchabées, pfuit, disparus les os et les dents. Contrat sans traces. Jambon purée, toujours arrière pensée. Shoot en pleine gueule.
Qu'est ce que je fous là, c'est quoi ce film bordel ? Tout ici est tellement hors de moi, de ce que je suis, de ce qu'on m'a appris. A moi, on m'a appris que la vie est pleine de promesses, qu'il faut en jouir au-delà de ses saloperies. Ok, sale pedigree. Ok. ton père toxico taulard, ta mère ex punk alcolo. Ton père, tu le hais, il aime te tabasser. Ta mère, elle est ce qu'elle est, avec ses roulées et ce môme qu'elle sait pas gérer. Il y a en qui naissent dans la merde, comme on dit. Et alors ? Le fumier, ça part au lavage non ?
Barrez-vous ! Vermine puante, barrez-vous d'ici ! Elles coulent mes larmes sur ce monde qu'on m'avait caché.
Viens chez moi, on va gérer ce genre de dégâts, viens, je t'emmène loin de ton cloaque à rats. Papa, maman, on va le sortir de là.
Dans cette bagnole, tu trembles, tes veines explosent la faim. Tu veux encore qu'elle te baise ta concubine. Tu te vides, tu dégueules, tu gicles la merde à travers les pores.Oui, tu crèves de froid, tes dents claquent, t'es tordu sur le siège. J'ai mis « Supernature » de Cerrone, je chante pour réchauffer ton froid.Papa, Maman, je vous laisse pas le choix. Vous le connaissez ce p'tit gars là.
T'as salopé les draps. A ce qui parait, ça fait ça. A table, tu baisses les yeux devant mon père, le seul mec que t'aies craint et respecté dans ta putain de vie. T'aurais voulu être son fils à mon père. Soudain t'en peux plus de ce froid qui monte en toi, de cette pute qui te suce pas. Il faut que tu craches le mal. Le chien est là, à te gratter la main. Tu lui colles ton pied dans le ventre et tu le flanques au mur. Il hurle, il pleure mon chien, j'ai mal pour lui, mal pour toi, mal pour moi, pour nous tous là. Les parents restent mués, dépassés, désarmés, figés dans l'impossible défi que je leur impose : faire décrocher un junkie à la force de l'utopie.
Tu m'as dit : « il y a une règle, une seule : vendre mais jamais toucher ». T'as dérapé, mec. T'as tout niqué. Fallait revoir ton business plan. T'as fauché ton stock. Jamais toucher tu disais. Faire son pognon, son blé, sa tune, son fric, mais jamais toucher. T'as pas géré. T'as sniffé la ligne. Vite tu l'as dépassée.
T'as commencé par quoi ? Ah oui, c'est vrai. Des bouts de merde sur un air d'ACDC. Les cours tu les séchais. De toute manière, les profs pouvaient pas te blairer. Ils t'avaient testé, « t'es un surdoué », qu'ils disaient mais un putain d'enfoiré qui voulait pas trimer. Après t'as dû enchaîner les cachets et les petits buvards, ç'est comme ça que ça s'est passé ?
Viens on se barre à Londres, on disparaît. Tu m'as dit : « Dans n'importe quel endroit je renouerai. C'est mon milieu, j'aime ça, j'en décrocherai jamais ».
Silence. Un an ? Deux ans ? Trois ans ?
Maman m'a appelé ce jour de juin : « il faut que je te parle de lui. J'ai acheté le journal aujourd'hui. ». Stop. J'ai hurlé, les spasmes au corps, je te croyais crevé. C'était pire, plus monstrueux encore. Enfer ici.
La Belle et la Bête qu'on aurait pu nous appeler : toi le paumé, moi la bien élevée, pas peu fière d'avoir apprivoisé la terreur du lycée. J'ai peur, je tremble, j'ai froid et toi ? Je te connais. C' est pas toi. Ce vieux, tu l'as pas buté, dis moi que c'est pas vrai, par pitié.Dix sept. Dix sept coups.
Nos quinze ans. Je te vois, là, face à moi. On sirote des cocas dans ce petit bar tranquille. Je glisse une pièce dans le juke box pour relancer pour la troisième fois ce titre de Queen : « Show must go on ».
Nos vingt cinq ans. Je te vois là, en dehors de moi. Tu plonges la lame dix sept fois. Dix sept fois. Je l'ai répété, épelé, scandé, combien de fois ? Des dizaines, des centaines de fois ?Dix sept fois.
On a presque trente ans. Je ne te vois pas, là-bas. Je ne te vois pas.
Ta mère, elle pleure. Il y a longtemps, elle m'a appelée. Elle croit encore que je serai là pour te sauver, moi que tu as toujours aimé. Les hommes je les aime mal, tu sais. Amis, c'est ce qu'on a été. Avant quand tu déconnais je rappliquais. Tu sais, je suis fatiguée, je sais plus aider. Hier j'ai pensé à toi. Avant-hier j'ai pensé à toi. Demain j'ai pensé à toi. Toujours martèle le cortex.
Les gens comme moi me font bien rigoler, les bien pensants, dégoulinants de bons sentiments, qui, parce qu'ils ont lu des livres débarquent avec leur code de moralité et leurs solutions toutes trouvées.« Tu viendras au procès ? » ; « Bien sûr, je serai là, tu peux compter sur moi. » Vas y, compte pour voir, sors ta Gold et tapote mes grammes de courage. T'as rien à sniffer ? Vois la belle amie que je suis. Vois la fidèle complice qui te suit. Les lettres, elles pourrissent dans ma tête, moisissent dans mon tiroir.
« Tu sors quand ? Dis, tu sors quand ? ». Dis-moi que je serai là parce que moi, je ne me crois plus.Tu vois, les belles leçons je les apprise, mais je sais plus les réciter.Tout ça roule dans ma tête, la nuit, quand j'attends l'aurore, et je tourne, et je fais tourner. Bad trip tu sais. On dit toujours qu'on se laissera jamais tomber. C'est mauvais de jurer
L'autre elle aussi, tu la connais, pendant dix ans elle s'est faite baiser. Quand j'ai eu dix sept ans, elle a voulu me dépuceler : « Allez, prends un quart, juste un quart ». Je vous emmerde avec vos putes de cachets. Moi je suis folle sans m'être jamais défoncée. J'aurais toujours des dents pour sourire à mon enterrement. Je me ferais pas bouffer pas les pores.
Parfois, j'en vois, ils gobent, ils reniflent, ils mâchent. Ils te regardent d'un air supérieur, petits vantards so hype, so dirty, avec leurs pupilles dilatées. Toi t'es qu'une nitouche pour eux, une putain de moralisatrice, t'es qu'une idiote car t'as jamais touché.
Je l'ai eu mon trainspotting mon pote. Le trip de ma vie on me l'a offert : dix sept coups qui martèlent mon cortex. Ca m'a à demi tuée. Et ces flash-back d'acide, ils restent là.
Fuck les concubines.
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Commentaires
touché coulé ...
Je note Rob Dougan en nappe sonore. Je note un texte déchirant en adéquation. Je note du ressenti qui crisse comme la tôle froissée ... Chapeau bas miss Magwann. Coup au but.GrRRrr
Magwann, miss dame. OuuF ! hUMMM C'EST BON CA. J'ADORE ME FAIRE GRATTER L'AME. TES MOTS... COMME DU BONBON QUI FAIT SAIGNER LA BOUCHE. VRAIMENT... TOUCHÉE LA louVe. PAR LE STYLE BANG !BANG ! ET PAR LA FRICTION QUE FAIT C'T'HISTOIRE.>Benoit
Tu m'as écrit, chez moi, en off ce matin. Le bruit des hommes devient fureur, sans pudeur aucune quand les têtes explosent, quand les veines saignent et que les douleurs grouillent la nuit dans les draps.Merci, ça a encore un sens? Alors merci.>Cédric
Cedric, je sais que tu traînes chez moi, et aujourd'hui tu marques l'arrêt.Bien posé. "La possibilité du pire". Quand le pire est là, proche, contigu à toi, il echappe à tous tes codes. Institutionnel: oui, c'est une réponse. Mais lorsque les structures (dans le sens sociales, médicales, pénitentiaires) echappent à leur rôle, que faire? Canaliser, sublimer son aigre-noir dans la religion, dans l'art, s'auto detruire ou bien ? Certains s'apprivoisent par ce biais. Je n'ai pas les réponses à tout ce magma.Ce que je sais, c'est que le pire est proche de toi, de moi, de tous, indépendamment de la naissance, les pulsions destructrices sont latentes en chacun de nous, terrées jusqu'au plausible hiatus. Nous sommes tous des hypothétiques faits divers. Savoir ranger la mine avant d'écrire le titre.>Boro
On a tous des tôles froissées qui crissent dans la nuit, Boro. Et celle-là de tôle, elle en finit pas de crisser.La tôle froissée.La tôle froissée. C'est ça. La tôle froissée.Il y a un mort et des blessés.>La Louve
Avant même d'avoir lu tes mots, je savais que c'était toi, belle animale, avec ton GrRRrr.Ca fait saigner la bouche les bonbons au goût aigre-noir, ça fait bang-cortex, dix sept fois. Le sucre c'est mauvais pour le cervelet des fois.Cédric
Sans doute dans mon titre ai-je laissé un petit bout de mes angoisses, parce que ton billet me l'a permis. Je dirais pas que je traîne chez toi (ça fait un peu rodeur, non ?), mais je passe, re-passe, pense et reçois les phrases. Le "passage à l'acte" est toujours compliqué pour moi (symboliquement, je vais être explicite, il s'agit bien de cette possibilité du pire, je travaille là-dessus depuis un moment). Notre premier échange chez Lady fut, en plus, rêche (et j'en suis responsable). Je ne suis pas fataliste ni ne généralise ce que j'ai vu et vécu dans la vie. Je ne crois qu'en les institutions (qui défaillent, c'est clair, ça se corrige dans les urnes), toute autre chose me paraissant très incertaine.>Cedric
Oulala Cédric, ma phrase porte à confusion, je m'en aperçois! Quand j'écris "savoir ranger la mine avant d'écrire le titre", je veux dire stopper avant de faire le titre d'un fait diver. Quelle maladresse. Rapport aux institutions, je suis partagée, me basant sur le cas de mon ami: bien avant ça, il a séjourné en prison, il a été suivi de près, et pourtant... Heureuse de ce partage d'opinions.Magwann
J'ai eu un petit doute, mais l'impression que nous sommes dans une phase d'apprivoisement mutuel l'a emportée ... T'ai-je dit que ce que tu écrivais avait de la valeur à mes yeux ? Ce que tu écris (... ou pas) a de la valeur à mes yeux....
Je ne sais pas faire de commentaire la dessus. Je ne sais pas pourquoi, je ne m'en sent pas le droit, quoique je puisse dire est dérisoire, ça dépasse le blog. Peut être parceque je sais, parcequ'on en a déja parlé...Parceque c'est bien au delà d'un "billet". Je t'en parlerai en off...Plus tard.Lu
Je suis passé hier, j'ai lu. Grosse claque et rien trouvé à dire qui ne sonne pas creux. Mais aujourd'hui c'est pas mieux, juste j'ai lu.Président touché!
Bonne ambiance chez nous, aujourd'hui! Je ne sais pas quoi te dire non plus. Juste, j'ai lu. De toute manière, il ne s'agit pas de recueillir du réconfort (c'est même parfois énervant), juste expulser tout ça... toute cette merdouille que la vie t'impose parfois.oups!
Mince, je viens de réaliser que je dis presque la même chose que 4largo. Pas fait exprès!témoin littéraire
me too c'est "off-line" que je peux consoler mieux. Ailleurs en vie. Quand je dis "humm c'est bon" Magwann, j'espère que tu entends que c'est bon l'avoir écrit et comment tu l'a exploré, ce lourd bobo rêche, hein ?...
Je tourne encore et encore autour de tes mots, et ça me chamboulle... je reste dans le tambour là...A tous
Merci pour vos mots même quand ils sont coupés à la gorge et ne savent pas comment se poser.Ils sont là, et ça me fait du bien. Je ressors mon chapeau de farces et attrapes bientôt.
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Quand les parents sabotent l'enfance, malgré eux souvent, s'ancrer dans la vie sociale devient terriblement difficile. Alors on essaie naturellement de s'accrocher à une, voire quelques personnes, dont les possibilités d'aider sont limitées, parce qu'il est nécessaire pour tous de se définir avec le minimum de souffrance, parce que personne n'est fondamentalement attiré par l'abîme (en tout cas, pas génétiquement attiré par l'abîme), parce qu'il n'est pas possible de prendre le risque d'additionner la part d'ombre des autres à la sienne (sauf si on est analyste). Seule l'aide de la société fonctionne, pour ré-apprendre la vie sociale, canaliser puis sublimer ses pulsions destructices, et ne pas faire peser le poids de la merde sur une seule personne. La réponse est institutionnelle ... y compris pour le pire. J'ai su tôt qu'il y avait certaines choses que je ne devrais pas approcher, à certains moments, car pas assez fort. Bien rattrapé par les institutions au final, mais la possibilité du pire m'angoisse encore parfois. Très beau billet.