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    A  Nina : toute mon amitié  et ma tendresse pour ton soutien tout au long de ces longs mois de juillet.

     Il y a un an je suis morte moi aussi.
    Tu t'es barrée  en juillet. Quel jour déjà ? J'en sais foutrement rien. Je ne sais plus, tu sais. Je ne sais plus.  J'ai enterré tant de  choses cette foutue année. Je n'arrive toujours pas à effacer ton putain de numéro de portable. Pas tout à fait folle pour le composer, pas tout à fait résignée pour le supprimer. Quel jour tu t'es giclée ? Quel jour déjà ?  Dis-moi.  Combien de cris. Combien de cris. Et cette rage qui me bouffe la tête  encore aujourd'hui, hier, ce soir, demain, combien de temps encore ? Je ne suis plus tout  à fait moi. Emmurée, j'ai muté,  cramé. Je crois que je n'aime plus juillet. Bête enragée, traquée par ton absence, perdue dans les couleurs et la terre.
    Souvent je t'ai cherchée dans les rues de Paris, parmi les autres, une silhouette, une chevelure, un rire, des yeux. Obsession. Tu as fait de moi une morte vivante depuis Juillet.. 

    Macchabées.

    Mois d'insomnies,  premières rides de vie, les rouges que je fume à en saigner, les questions qui tournent sans cesse. Armée d'aiguilles.
    Dans la terre je creuse  ton visage, mon visage  Fixer les traits.

    Je t'ai écrit une lettre cet hiver. Tu ne m'as pas répondu :

     « A donf ! » je te disais. « Il faut vivre à donf ! ». « Rien à foutre du qu'en dira t-on, agrippe tes rêves, vis ta folie ! »
    La vie est partie, chassée par ta folie.

     Pour d'obscures raisons, tu te perdais en éloges  sur ma boulimie de vie et la régularité de mes traits. Moi, ton Idole. Tu voulais briller. Tu me voulais  spectatrice  unique de ta réussite : séance privée, invitation VIP, loge d'honneur de ton succès. Tes papiers t'avaient rendue célèbre, les charognards en mal d'identité s'arrachaient tes  livres par milliers. Tu le jurais.
    Enfin je pourrai à mon tour t'admirer...Tu l'espérais.
    Sombres connes.

    Tes mots.
    Tes maux que  je n'ai pas su déchiffrer, écriture champollionesque asphyxiée par  tes délires synesthésiques et schizophréniques. Tes papiers virevoltaient telles  des guêpes sans ailes  pour s'échouer dans les méandres de tes phantasmes.

     Glacée, je te disais : « Sandrine, tout ça n'est pas réel. C'est dans ta tête ».
    Pauvre folle.
    Cannibale de ta propre vie.

     Soudain  tu me  haïssais, tu crachais que j'avais changé, que mon  cœur était creux  et sec. Que j'étais vulgaire  et dégénérée, moi, ton  icône déchue, avilie par le lit des hommes. Me désirais-tu ?

     Alors, à  tous, j'ai hurlé : « Elle  est  folle ! S'il vous plait ! Elle est en danger ! Sauvez-la ! » . Ma voix a détruit  ce jour ton paradis rêvé et laissé échapper aux yeux de tous  les blattes  infectes   de ton cerveau malade. J'ai jeté ton masque aux fauves sanguinaires de réalité.
     Tous m'ont condamnée : « Chut ! Tu mens ! ». Forcément.
    Dans l'arène ils m'ont  jetée. J'avais sali  leur  Reine.
    Dans la fosse je t'ai précipitée. Traîtresse que je suis.  Mauvais public de  ton roman.

     Le pus de mes remords suinte dans cette gorge qui t'a tuée. Car  la machine infâme avait pris place et s'emballait perfidement, écrasant un à un les dominos  de ton esprit et de tes vies.
     Quand le bois qui te portait s'est enfoncé dans la terre, aucun ne m'a fixée. Mes yeux criaient sourdement : « Assassins ! ». Vain oxymore, puisque nous tous, juges et coupables.

     Verrou sur ma douleur.       
                                                                                          
    Sur ce lit, à l'aube,  tu crèves, diaphane, les cheveux collés de ta sueur aigre. La chimie et l'alcool serpentent doucereusement  dans ton sang tiède. Quelques veines tressautent. 
    Après, ton corps est froid. Les chairs pourries,  bouffées  par les grouillants, transpercées par les racines. Triste  rutabaga desséché.

     N'aie pas peur. J'ai cuisiné une tarte à l'ail pour repousser les vampires, les zombies et les fauves. Ne tremble pas.  Je pose  une bouillotte sur ta poitrine, là, tout près de ton cœur. Tu veux écrire ? Donne-moi ta main que je la réchauffe. Tu  ne parviens pas à achever ton texte ? Signe-le simplement, morte vivante, et souffle-moi un peu de ton encre pour tacher le blanc du papier.
     Je leur dirai à tous que tu avais du talent  et que tes maux me font toujours pleurer. »

     

     

    Aujourd'hui je reviens à moi. Ma Morte, je t'enterre  pour de bon.

    Août. Bientôt,


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    En début de soirée, j'avais l'humeur chagrine, trop de non sens dans le métier que j'exerce, tellement loin de moi. Alimentaire. Sécurité. Lobotomie. Résolue. Peur de l'ailleurs. Peur de m'affronter.
    Et puis.
    Mon amie Krys, celle de toujours.  Elle m'envoie les photos d'une bricole que je lui ai confiée  cet été en villégiature. Je sème mes petits bouts de terre chez les amis, la famille, comme ça, pour rien. Celle-ci doit bien avoir l'âge de mes vingt et un ans. Argile noire, crue.
    Les saveurs du Burkina, du Maroc, du Sénégal, de la Tunisie, de la Réunion, ces terres  que j'ai frôlé du coin. Les sourires  de mes amis épicés, café au lait, noir croquant, praline tendre.
    Soudain Paris s'efface, je goûte le beurre de karité, emportée par les percussions et les djembés, le chaud du Fanta,  l'ocre des pistes  sur ma peau, le sable noir,  la menthe odorante.
    Je danse de tous ces moments. Je suis  une zoreille au sang bigarré.

    Flash : ce lépreux albinos à Ouagadougou, il tend la main. Je lis Aimé Césaire. Fracture.
    Regarde toi Magwann, fille qui vend du luxe en flacon. A trop te regarder, tu as vite oublié pourquoi tu crées : être là, en santé, entourée de ceux qui comptent, sourire de l'intérieur  aux proches qui sont partis, rester forte et créer son paradis rêvé.
    La mère, en sursis. Le père, enfant de nulle part. Prends leur force et danse.
    Savoir se donner des claques, au revers. Profiter des particules de bonheur.
    Ce soir je me souviens  pourquoi je me bats avec  le sourire, jusqu'à l'éclat de rire.

    Ne lâchez jamais.


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    Elles devaient être trois, je te l'avais dit à toi, Fishturn.
    Mais  on est bien assez d'être un  pour se faire face dans le miroir.
    Elle est restée inachevée, les pieds absents, corps exposé,tête enfouie.  

    Poisson, cette nuit je t'ai vu renaître de tes pigments. Oui, tu entames le chemin.
    On se cherche au plus masqué, on déterre les mines de plomb, on aiguise les pinceaux, on fouille la terre, on brûle  les papiers  qui font mal.
     

    Ne jamais signer  le pacte.
    Faire un portrait de soi les yeux fermés.


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